Adjectifs non qualificatifs

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Adjectifs non qualificatifs ?

Il en est des adjectifs qualificatifs comme des narrateurs : certains donnent des renseignements éclairants et d'autres se contentent de donner leur avis. Plus exactement, certains adjectifs ne font que préciser le jugement du narrateur sur un objet, une personne, tandis que d'autres ajoutent une qualité véritable. 

Ainsi, un merveilleux jardin, n'est différent d'un jardin -tout court- que parce qu'il plait beaucoup au narrateur ou parce que celui-ci veut que le lecteur en ait une image positive, ce dernier doit se contenter de cette affirmation sans véritable contenu. Pourquoi est-il "merveilleux", de quelle manière ? L'adjectif ne nous en dit rien. C'est une femme extraordinaire, un lieu incroyable, une robe magnifique... Pas de couleur, pas de repère sensoriel, pas d'idée supplémentaire, d'individualisation : un simple jugement de valeur l'équivalent écrit du "C'est nul ! " ou du  "C'est sympa !" ou "J'adore !".  Si ce type d'expressions peut trouver sa place dans un échange oral, car il s'agit alors plus de messages sociaux que descriptifs, les adjectifs creux, les qualificatifs qui ne qualifient pas, sont des mots pour rien dans un texte littéraire, excepté dans la bouche d'un personnage.

L'utilisation de ce type d'adjectifs est un marqueur de la littérature dite "à l'eau de rose" type Delly ou la collection Harlequin. On pense bien sûr aux clichés littéraires : la demeure y est le plus souvent "ancestrale", les "parfums enivrants"...  Cependant ces adjectifs ne sont pas uniquement des signes de banalité de l'expression ou de formules « passe-partout ». il s'agit d'une manière superlative, presque abstraite de faire entrer le lecteur dans un monde féérique de passions et de drames. Si les fêtes y sont toujours "somptueuses", c'est parce l'adjectif ne cherche pas à faire voir, mais à faire rêver, à transporter dans le flou "d'admirables jardins" , de" lieux féeriques" protégés par des "arbres centenaires". Et si les yeux sont "incomparables, "purs", " sombres", "profonds", "veloutés"... cela ne permet pas de les imaginer, de les spécifier, c'est une façon de les sublimer. Rien n'est dit de leur expression spécifique, pas de réalisme, tout au contraire, ils entrent dans la constitution d'une sorte d'unversel stéréotypé dans lequel le lecteur cherche à oublier la réalité.

Et puis, comme en littérature et plus largement en art, il y a toujours des exceptions qui font naître d’autres règles, il y a Lovecraft !

H.P. Lovecraft (1890-1937), l'un des grands auteurs de littérature fantastique, accumule les adjectifs peu qualificatifs, bien souvent, non pas pour décrire l’être effrayant qui surgit, mais pour susciter une impression, la sensation qu'il s'agit de quelque chose de si effrayant, de si inouï, qu’on ne peut qu’utiliser adjectifs sans contenu concret : mortifère, répugnant, gigantesque, sombre, titanesque, difforme, concupiscent, cosmique, atroce, hideux, effroyable, maudit, démoniaque, exécrable, insondable, inimaginable, impie, spécial, fantastique…  Une inflation d’adjectifs imprécis qui semblent s’accumuler pour dire : ceci est indescriptible ! La multiplication des adjectifs et des superlatifs détruit la chose ! Le texte ne permet pas d'imaginer, il produit un effet : les monstres de Lovecraft sont inimaginables et c’est peut-être en partie à cause de ce qui peut être considéré comme une « faute de style » qu’ils sont si effrayants. 

 

 

Multiplication ds adjectifs pour détruire la chose

Indescriptible !

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