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Incandescence

Et quand de ton cœur bleu, j’ai saisi le battage, je me suis allongée sur ma douce in-quiétude.
La chanson du rideau était bleue elle aussi,
était grise
sous le vent chuchotant ce qui n’était pas nous et qui n’existait plus, disparaissait au loin derrière la vitre entrouverte.
Le mur s’hérissa d’un frisson. Alors, sur ta poitrine, comme sur un oreiller, j’ai posé doucement la tête.
Les yeux fermés, j’ai vu ta main qui courrait sur mon bras, la tiédeur de ta paume, j’ai senti sa musique, jouée du bout des doigts,
hésitante,
celle d’un animal qui explore sa piste.
Chemin inexorable, bleu lui aussi,
étonnant,
comme le bleu qui crie là où se nouent les flammes, ce point d’incandescence, parcelle de feu bleu, la plus chaude, la plus pure qui s’habille de froid pour brûler mieux encore.
Et mon corps tout entier pressentait sa venue, savait qu’il terminerait sa course inquiète dans la zone orangée, palpitante, où nous ne ferions qu’un.
Et j’ai ouvert les yeux, pour oublier le bleu.
Ne plus vibrer. Te voir.
Je ne te voyais pas, n’entendais pas non plus,
ne restait que ce goût sur mes lèvres, un goût violent et sans appel.
L’envie pourpre, sanglante, de déposer ma bouche
quelque part sur ton corps.

 

Sylvie R. B.

 

Illustration : " Labour of Love", Julia Hamilton

Texte poétique, synesthésie

Incandescence

Aux mots que j'ai perdus

La nuit t’a effacé, couple de mots moelleux qui naviguait, flottait, caressant mon esprit entre deux rouleaux de sommeil.
 Limpide, évident. Envolé. Mon amant de passage,
 je t’ai perdu, et pourtant tu es là, familier,
 trace de sens, témoin de la justesse possible des mots
 si proche, jouissif comme une surprise,
 là, juste derrière la porte, je sens l’écho étouffé de tes sons !
 J’avance et tu t’échappes,
  l’ami au bout du quai, tu disparais et ton image, ton parfum, restent,
 parfum de mot, empreinte, vibration volatile et puissante, 
 avoir les mots, les perdre, comme vivre et mourir.
 Je sens encore la perfection de ta justesse :
 celle d’un accouplement furtif qui pouvait repeindre la vie.
 Me reste le plaisir de t’avoir effleuré,
 de savoir que je pourrai chercher encore,
 vibrer,
de mot en mot, promener mon sommeil dans les chemins du Verbe.
 Et m’éveiller conquise, forte de ton absence toujours renouvelée, 
 prête à repartir, à collecter les mots, les assembler, les amasser, les saisir, 
 tous,
 comme autant de prises volées à l’impuissance d’être.

 

 

Sylvie R.B.

 

 

 

 

 Texte, poème, les mots et l'écriture

Aux mots que j'ai perdus

Matin

Fermement enclose dans la monotonie des jours,
 le puit de ciel bleu pâle 
défile ses nuages en rectangle, au loin.  
 Pan de vie qui déroule ses trainées de temps longs, 
 se voir dans le miroir, savoir, imaginer,   
 l’autre, son avatar qui couperait le lien, 
 saurait tailler dans la répétition des gestes.  
 Le regarder grimper, s’agripper aux parois, 
 sauter dans le nouveau, s’y noyer d’odeur mauve,  
 jouir d’inattendu,  
 entendre bouillonner l’espérance qui s’agglutine à la soif du matin.  
 Fourmillement confiant.  
 Entrer dans la journée comme l’on sort de soi.

 

 

Sylvie R. B.

 

Poème de Sylvie Reymond Bagur

Matin

Je marche dans une forêt de nuages

Je marche dans une forêt de nuages.
Ma tête au niveau de la Lune, gonflée de lueurs étoilées, se dilate d’images, reflets de la journée passée, embellies, extrudées, laminées aux dimensions du rêve.
Cerf-volant aux multiples cordes emmêlées, je rechigne à descendre. 
Au loin, mon corps s’enfonce dans les draps tièdes pour laisser mieux encore le reste s’échapper.  
D’étranges histoires comme des vagues de souvenirs vont et viennent, m’accrochent, me retiennent. 
Je m’y promène. 
Étonnée.
J’y suis et je les suis, docile à leurs douces duplicités.
Frictions de réalités, impossibles mélanges, elles me touchent sans m’atteindre, ne me menacent pas vraiment, 
frôlent mes inquiétudes, réveillent mes astreintes. 
Pantomimes embrumées, figures, objets, pensées, un peu, beaucoup de moi en ordre déversé.
Une fente brille et tinte, orée lumière qui m’interpelle entre les volets
Mes yeux résistent, paupières raidies, esprit crispé.
Non je ne me lèverai pas, pas tout de suite, je veux savoir où la forêt m’emmène.
Un bruit de cafetière s’ouvre, indubitable, je me jette dans sa clairière. 
 
 
 
 
Sylvie R. B.
 
 
 
 
 

Poème Forêt de nuages, un rêve de Sylvie Reymond Bagur

Je marche dans une forêt de nuages

Instantané

Écouter les secondes glisser l’une sur l’autre,

accompagner leur jeu, les laisser cheminer.

Et tout devient plus large, infini, accueillant.

Les secondes s’effacent à leur façon, gouttes qui s’écarquillent sans jamais éclater.

Et s’ouvre la douceur, un bain fluide, moelleux,

engage sa promesse et s’écoule déjà,

se donne, encore,

presque.

Prendre le temps.

Pour ce qu’il est. 

Un passager indifférent,

une ligne là-bas, 

crête de vie qui se dessine et fuit vers l’horizon.

Instantané
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