Le paysage s’ouvre comme une chute anticipée.
L’esprit se prend les pieds dans le vide et rebondit sur les flancs émaciés des montagnes en regard.
Le dessin sinueux des crêtes et le temps, immobiles, imposent la lourdeur, l’étrangeté d’un bout du monde.
Nudité des estives.
Des brulots de bruyères, crânes de mercenaires s’en retournant d’antiques guerres, terrent leurs armes au fond de la vallée.
Statues d’embruns et de lumière,
Le soleil s’accroche à leurs rotondités, il s’embrume.
Un brouillard s’évapore des pentes calcinées,
Halo duveteux de souffrance hivernale. Minérale.
Et puis, perdu au milieu des cendres,
un pan de vert, de tendresse, défie l’immensité stérile comme un clin d’œil patient attendant le printemps.
Et de l’immensité surgit une évidence, le temps chemine sur les crêtes, les parcourir, c’est arpenter le cycle,
se joindre à la germination qui travaille bien au chaud sous la pureté nue de l’hiver.
L’œil, happé par l’infini, maintenant rassuré, s’y installe.
Instant de perte.
Complétude.
Puis, il retombe, attiré vers le fond, le refuge, où l’attendent des danseurs immobiles,
Vrillés, durcis,
Seuls personnages à la mesure du paysage,
Ses maitres silencieux.
Et le regard saisit soudain la clé de cet univers de beauté :
La grandeur fragile, éternelle, des châtaigniers.
Sylvie Reymond Bagur
Texte poétique sur la Lozère de Sylvie Reymond Bagur