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Écrire

Quand le fleuve des autres me frôle, je m’écoule,

 entrainée, aspirée,

l’empathie me met mouvement,

partir avec, pâtir, sentir l’autre de l’intérieur

décentrement qui creuse au cœur,

sentir plus forte la présence de l’autre que de soi

sa force fait ma faiblesse

son jugement comme une hémorragie me désamorce

pas même le jugement, sa possibilité, cet autre centre, cette autre instance

massive et dispersée

occupe tout l’espace, 

centrifuge,

je ne suis plus que la conscience dissoute de l’extériorité.

Et puis, je réfléchis, j’analyse, je cherche les mots,

ils m’offrent leurs syllabes, leurs sonorités

Leurs ressemblances, leur étymologie, comme autant de pieux pour arrêter la fuite.

Ils s’ancrent, s’articulent entre eux, créant une géographie de sens, 

j’y voyage, 

et c’est eux qui me parlent, me racontent cet effort millénaire pour saisir le mouvant,

architecture construite mot à mot pour crocheter des bribes de réalité 

un réseau infini affiné pour épouser les formes, les sensations, les gestes,

 j’en fait mon mat, le socle d’une nouvelle consistance,

expérimentale, jouissive, 

elle est ma zone de résistance, 

j’écris, je vis intensément

jubilation d’un espace d’aventure à ma disposition

 et je deviens tangible.

Le reste peut s’y raccrocher.

Ineffable

C’est en lisant le cours de poétique de Paul Valéry qui utilise le mot « indefinissable » dans un sens positif — sens que je n’exposerai pas ici —, que j’ai croisé à plusieurs reprises le mot « ineffable. », un mot qui sonne comme un défi à celui qui écrit. 

Ineffable ? Emprunté au latin ineffabilis, c’est ce « qu'on ne peut exprimer ». Que puis-je faire de ce mot ? Quelle place donner dans un blog littéraire à ce qui affirme l’impossibilité de dire avec des mots ? 

Une place importante, car cette idée d’impossibilité m’interroge ! Est-ce qu’elle tient à la nature de ce que l’on voudrait décrire : trop fort, trop beau, inaccessible ? À la nature, la qualité particulière de ce qui est vécu ? Ou à l’insuffisance du langage ? 

Je commencerai par ce dernier point. Sans éluder la difficulté de l’écriture, j’en ai même fait mon métier.

Je ne fais pas partie de ceux qui se lamentent — et me font penser à ses enfants trop choyés — sur l’incapacité du langage à restituer les sensations, nos pensées et nos émotions, je ne suis pas non plus de ceux qui dénoncent les trahisons du langage. C’est un outil, plus que précieux, un outil fascinant toujours à explorer. Je ne ressens pas le fameux » manque de mots pour le dire », je ne connais que mon manque de vocabulaire tant de mots sont inutilisés, se perdent, ce qui me fascine ce n’est pas le manque, mais l’incroyable richesse qui dort dans le langage.  C’est aussi une infinie possibilité de combinaisons à notre disposition, et puis une musique, des rythmes, des sons, des rencontres de mots. Et les fameuses règles, les conventions qui s’imposeraient à notre liberté, selon une vision du langage « fasciste » selon l’expression malheureuse de Barthes, elles sont la condition nécessaire de la communication, le cadre commun indispensable à toute liberté.

Écrire c’est se coltiner à la difficulté de dire, mais c’est en refuser l’impossibilité et toujours remettre l’ouvrage des mots sur le métier du texte. Jouir. De cette quête imparfaite et splendide, comme l’est aussi la vie.

L’ineffable dépasse le « difficile mettre en mots ». 

Illusion

“Le plus solide plaisir de cette vie est le vain plaisir des illusions”. »Leopardi

L’illusion. Un mot qui revient si souvent dans mes pensées.

Dans mon roman «  La Danse de Faust » j’ai clôt un chapitre par :

« Et je savais déjà que ce petit matin serait comme un début, l’illusion indispensable pour que chaque début prenne réalité. »  

Car Le plaisir de l’illusion, n’est pas un vain plaisir, 

« L’illusion, la seule réalité! »a écrit Gustave Flaubert dans La Tentation de Saint Antoine.

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