Quand le fleuve des autres le frôle, il s’écoule,
entrainé, aspire,
l’empathie le met mouvement,
partir avec, pâtir, sentir l’autre de l’intérieur
décentrement qui creuse au cœur,
sentir plus forte la présence de l’autre que de soi
leur force fait sa faiblesse
leur jugement comme une hémorragie le désamorce
pas même le jugement, sa possibilité, cet autre centre, cette autre instance
massive et dispersée
occupe tout l’espace,
centrifuge,
il n'est plus que conscience dissoute d'uneextériorité.
Et puis, il réfléchit, analyse, cherche les mots,
qui lui offrent
leurs syllabes, leurs sonorités,
leurs ressemblances, leur étymologie, comme autant de pieux pour arrêter la fuite.
Ils s’ancrent, s’articulent entre eux, créant une géographie de sens,
il y voyage,
et c’est eux qui lui parlent, lui racontent cet effort millénaire pour saisir le mouvant,
architecture construite mot à mot pour crocheter des bribes de réalité
un réseau infini affiné pour épouser les formes, les sensations, les gestes,
et il en fait son mat, le socle d’une nouvelle consistance,
expérimentale, jouissive,
sa zone de résistance.
Il écrit, il vit
intensément
jubilation d’un espace d’aventure à sa disposition
et il devient tangible.
Le reste peut s’y raccrocher.