Écrire

Quand le fleuve des autres me frôle, je m’écoule,

 entrainée, aspirée,

l’empathie me met mouvement,

partir avec, pâtir, sentir l’autre de l’intérieur

décentrement qui creuse au cœur,

sentir plus forte la présence de l’autre que de soi

sa force fait ma faiblesse

son jugement comme une hémorragie me désamorce

pas même le jugement, sa possibilité, cet autre centre, cette autre instance

massive et dispersée

occupe tout l’espace, 

centrifuge,

je ne suis plus que la conscience dissoute de l’extériorité.

Et puis, je réfléchis, j’analyse, je cherche les mots,

ils m’offrent leurs syllabes, leurs sonorités

Leurs ressemblances, leur étymologie, comme autant de pieux pour arrêter la fuite.

Ils s’ancrent, s’articulent entre eux, créant une géographie de sens, 

j’y voyage, 

et c’est eux qui me parlent, me racontent cet effort millénaire pour saisir le mouvant,

architecture construite mot à mot pour crocheter des bribes de réalité 

un réseau infini affiné pour épouser les formes, les sensations, les gestes,

 j’en fait mon mat, le socle d’une nouvelle consistance,

expérimentale, jouissive, 

elle est ma zone de résistance, 

j’écris, je vis intensément

jubilation d’un espace d’aventure à ma disposition

 et je deviens tangible.

Le reste peut s’y raccrocher.

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