Ineffable

C’est en lisant le cours de poétique de Paul Valéry qui utilise le mot « indefinissable » dans un sens positif — sens que je n’exposerai pas ici —, que j’ai croisé à plusieurs reprises le mot « ineffable. », un mot qui sonne comme un défi à celui qui écrit. 

Ineffable ? Emprunté au latin ineffabilis, c’est ce « qu'on ne peut exprimer ». Que puis-je faire de ce mot ? Quelle place donner dans un blog littéraire à ce qui affirme l’impossibilité de dire avec des mots ? 

Une place importante, car cette idée d’impossibilité m’interroge ! Est-ce qu’elle tient à la nature de ce que l’on voudrait décrire : trop fort, trop beau, inaccessible ? À la nature, la qualité particulière de ce qui est vécu ? Ou à l’insuffisance du langage ? 

Je commencerai par ce dernier point. Sans éluder la difficulté de l’écriture, j’en ai même fait mon métier.

Je ne fais pas partie de ceux qui se lamentent — et me font penser à ses enfants trop choyés — sur l’incapacité du langage à restituer les sensations, nos pensées et nos émotions, je ne suis pas non plus de ceux qui dénoncent les trahisons du langage. C’est un outil, plus que précieux, un outil fascinant toujours à explorer. Je ne ressens pas le fameux » manque de mots pour le dire », je ne connais que mon manque de vocabulaire tant de mots sont inutilisés, se perdent, ce qui me fascine ce n’est pas le manque, mais l’incroyable richesse qui dort dans le langage.  C’est aussi une infinie possibilité de combinaisons à notre disposition, et puis une musique, des rythmes, des sons, des rencontres de mots. Et les fameuses règles, les conventions qui s’imposeraient à notre liberté, selon une vision du langage « fasciste » selon l’expression malheureuse de Barthes, elles sont la condition nécessaire de la communication, le cadre commun indispensable à toute liberté.

Écrire c’est se coltiner à la difficulté de dire, mais c’est en refuser l’impossibilité et toujours remettre l’ouvrage des mots sur le métier du texte. Jouir. De cette quête imparfaite et splendide, comme l’est aussi la vie.

L’ineffable dépasse le « difficile mettre en mots ». 

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