Julien Gracq séparait les écrivains entre myopes — préoccupés et habiles à restituer les détails et les presbytes — doués pour les plans larges et les grandes perspectives, je propose une distinction sur un autre plan. Il y a les écrivains conteurs et ce que je pourrais appeler les "capteurs". Les premiers vous introduisent dans le récit par un narrateur, une ou des voix identifiables qui expliquent, situent ce qui se passe. Les seconds font comme s’ils restituaient directement ce qui s’est passé : ils se font passer pour des sortes de micros et de caméras branchés sans intermédiaire sur des vies et des intériorités imaginaires. Les premiers font des lecteurs des enfants attentifs à qui l’on conte une histoire, les seconds, plus contemporains, des lecteurs voyeurs qui entrent comme par effraction dans la vie des personnages, jetés à même les scènes racontées. Et puis, dans beaucoup d’ouvrages contemporains, les deux types de récits alternent ou se mélangent. Décidément, la question de la distance est une dimension essentielle dans mon travail : plonger dans l’instant vécu ou le raconter de l’extérieur. Pierre Jean jouve est un bel exemple de ces conteurs qui au passage savent se rapprocher de la scène et captent le réel.
Si vous souhaitez être tenu informé des parutions de ce site.