Récit d'une expérience poétique
La poésie survient lors de moments singuliers, moments de vie intenses et fugitifs, où la réalité semble accessible. Tout commence par une émotion, une sensation, un frémissement suffit et l'instant se fait expérience à la fois forte et fuyante, instant de densité qu’il faut tenter d'écrire pour le prolonger, pour en garder la trace.
La poésie est cette parole loyale, juste, un effort d'exactitude pour trahir, le moins possible, la vibration de ces instants. L'invention de forme n’est pas recherche de nouveauté ou d’originalité, mais fidélité d’un traducteur rigoureux qui cherche à restituer l'instant dans ce qu'il a d'unique.
Ce moment d’écriture, bien souvent, est une traque du mot, de l'expression qui est là et qui s'échappe. Un passage mystérieux, une vulnérabilité qui se cherche, s’incarne dans les mots, un état, une sorte d’équilibre entre le contrôle de soi et l’abandon. Il s’agit de chercher le mot le plus juste tout en laissant l’avancée se faire sans pilote, comme une barque au fil de l’eau qu’il faut laisser filer, guidée par la seule émotion. Car la poésie abesoin de respiration dans ses rouages et il n’y a pas de respiration sans liberté.
Il faut laisser vibrer les accords de sonorités, de pensées, d’images, de sensations, d’émotions, se laisser croire qu’il peut y avoir un ordre secret, un ordre caché du monde que le mot à venir va enfin révéler. La poésie, c'est la dernière étape avant le silence.