Se situer dans la généalogie des ateliers

Placer son atelier dans la généalogie des ateliers d'écriture

Se situer dans la généalogie des ateliers

         Animer un atelier, c’est, selon la belle formule de Marcel Proust, chercher à faire son propre « son », trouver sa voix, développer une voie spécifique, une orientation qui évolue, se précise ou s’élargit au fil des années. La mienne, dès le départ, a été ce que je peux résumer par un « atelier créatif et littéraire ».
Avant d’expliquer ce que je mets sous ces deux mots, il est intéressant de replacer cette démarche dans l'histoire des ateliers d'écriture.

Il est important, pour commencer, de revenir sur l'histoire des ateliers d'écriture « à la française ».
L’idée d’offrir un lieu d’expression libre marque l'origine des ateliers d'écriture en France. Ils ont été créés avec une volonté déclarée de remettre en question les institutions scolaires et le désir de donner la parole à ceux qui ne peuvent pas s'exprimer dans les cadres traditionnels de l’apprentissage notamment les personnes en situation d’exclusion ou de souffrance psychique. Cette dimension sociale et contestataire, dressée sur une posture d'opposition aux institutions scolaires, explique leur peu de référence directe à la littérature et notamment la littérature classique. Elle s'accompagne d'une forme de rejet de la dimension de savoir-faire, de connaissance ou de technique trop apparentée, pour les tenants de ce type d’ateliers, à une pratique scolaire ou idéologique, posture que l'on retrouve chez l'une des pionnières des ateliers créatifs, Elizabeth Bing puis d'une manière que l'on peut qualifier de constructiviste et collective, dans les ateliers liés au Mouvement d’Éducation Populaire comme ceux proposés par les Neumayer, même s'ils font plus facilement appel à des textes littéraires.
Un autre héritage français est celui de l’OULIPO (Ouvroir de littérature potentielle). Marqué par l’empreinte du surréalisme, il a exploré les contraintes telles que le lipogramme (écrire un texte sans une lettre comme La Disparition de Georges Perec, roman écrit sans utiliser la lettre « e »),  le Logorallye (texte dans lequel doit figurer une série de mots)… ou les textes aléatoires tels que les Cadavres exquis.
Depuis, les ateliers d'écriture se sont énormément diversifiés, en particulier avec l'introduction en Europe du Creative Writing, le type d'atelier que l’on pratique largement dans les universités américaines. Cette autre approche a d’abord été accueillie avec beaucoup de méfiance, car elle se situe à l’opposé aussi bien de l’atelier d’expression libre que de la conception du « génie littéraire » inné qui marque la vision française du "grand écrivain". 

Le Creative Writing a été longtemps accusé de se mettre au service du succès, de la recette d'écriture, de faire de l’atelier un relais de la culture médiatique et de ses simplifications. Il faut reconnaitre que cet aspect correspond à une tendance répandue  parmi les ateliers, stages et accompagnements proposés sur internet. La formation de ceux qui les proposent, souvent issus du journalisme ou de la communication, n’est pas étrangère à cette orientation plus soucieuse d'efficacité que de littérature au sens de discipline artistique ou de vibration des mots. Le Creative Writing a, en tout cas, permis de sortir de la réduction de l'écriture à une pure inspiration.


Ma démarche s'est construite en faisant une sorte de synthèse de trois sources.
Je n’oublie pas l’héritage de l’atelier à la française qui se méfie du diktat de l’efficacité et de la normalisation. Si mes ateliers ne visent pas l'expression d'une aliénation ou d'une exclusion, la dimension d’expression libre au sens d’expression individuelle spontanée, non bridée par l’objectif de succès littéraire, de mode ou de norme littéraire reste essentielle.
Des Creative Writing et de leurs émules européens, j’ai retenu la notion d’outils littéraires et d’une forme "d'apprentissage" non scolaire de l’écriture notamment au travers de la réécriture et des composantes du style.
J’ai construit mon travail en me plaçant, et c’est là le troisième de ses axes, dans une approche nettement littéraire, je reviendrai sur cette dimension essentielle qui fait de l’atelier un lieu d’expérimentation, de questionnements sur la langue et de plongée dans la littérature par la présence des textes.

Animer un atelier, c’est donc construire peu à peu son propre dosage entre expression libre, dimension ludique oulipienne, travail sur les outils littéraires et la construction narrative, expérimentation de la langue, dimension poétique, fictionnelle et place des textes littéraires.

 

Bibliographie sur les ateliers d'écriture à la Française :

BING  Élisabeth, Et je nageais jusqu’à la page, Édition des femmes, Paris, 1976.

NEUMAYER, Odette et Michel, Animer un atelier d’écriture, Ed. ESF é, Issy-Les- Moulineaux, 2010. 

 

 

 

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