Incipit, comment commencer?

Incipit, comment commencer?

Comment commencer ?

"Ami lecteur, t’attendrais-tu par hasard à me voir commencer cette historiette par : « La lune pâle se levait sur un ténébreux horizon… » ou par : « Trois jeunes hommes, l’un blond, l’autre brun et le troisième rouge, gravissaient péniblement… » ou par… Ma foi, non ! tous ces débuts, étant vulgaires, sont ennuyeux et, puisque je n’ai pas assez d’imagination pour te jeter sur la scène de mon récit d’une manière un peu neuve, j’aime mieux ne pas commencer du tout et t’avertir tout bonnement que Matteo Cigoli était, de l’aveu général, le meilleur garçon, le plus gai, le plus actif et le plus spirituel qu’eût produit son village, situé à quelques lieues de Bologne. Au moment où nous le ramassons sur la grand’route, il est dix heures du matin ; le soleil brûle la poussière et Matteo vient de faire ses adieux à monsieur son père. Que de tendresse dans ces adieux !"  Incipit de Scarmouche, roman  d'Arthur de Gobineau, 1843.

Aragon évoque à juste titre "l'inquiétude qui s'empare  de l'écrivain devant le caractère conventionnel que semble prendre nécesairement l'amorce, l'incipt de tout écrit." Et  si l'on se place  du côté du lecteur, commencer à lire une nouvelle, un  texte,  un roman, un chapitre, c’est franchir un seuil et l’auteur doit réussir à attirer le lecteur de l’autre côté. Pendant ce court instant, le temps de lecture de ces premières phrases que l’on appelle l’incipit, le lecteur laisse à l’auteur le bénéfice du doute, il laisse sa chance au texte qui  doit lui. donner l’envie de poursuivre. On peut penser à l’idée d’apéritif, il faut ouvrir l’appétit du lecteur par un début incisif qui aiguise sa curiosité, le prend dans son  rythme, le touche ou le charme par son style. Alors, par où commencer ?  Comment établir ce premier contact décisif, comment construire ce lieu de passage ?  Par quoi « attraper » le lecteur ? Comment éviter des formes trop conventionnelles ? Etre original et séduisant?  Il n’y a pas de « recette », mais différents types d’ouvertures, d’amorces, peuvent être repérées. 

Rappelons les mots d'Aragon : ces première phrases ont un  rôle "d'initiatrices", il leur attribue une "espèce de signification magique" un peu comme un "Sésame, Ouvre-toi !"  Cherchons donc à identifier quels pourraient être les ingrédients à notre disposition pour cette sorcellerie incitatrice...

Alternatives  fondamentales  : 

1.    Décrire le contexte : annoncer les thèmes, informer le lecteur, présenter le sujet, les personnages… L’objectif est alors d’intéresser, d’attirer la curiosité par un thème, une histoire, une personnalité. Il s'agit d'accrocher le lecteur par des explications, par ce qui est raconté plus encore que par la manière de le faire.

2.   Entrer directement dans l’action, sans information préalable, ce que l’on appelle commencer « in Medias res », l’objectif étant alors de dramatiser, de surprendre ou encore d’étonner : de plonger le lecteur dans une scène comme s'il y participait.

3.   Ni contexte ni plongée dans l’action : partir d’ailleurs, bousculer le lecteur par une formule, un élément étonnant.

Les objectifs de ces deux dernières stratégies se recoupent, seuls les moyens divergent.

L'on peut aussi exprimer ainsi les trois grandes rubriques précédentes  :

—    Entrer dans le vif du sujet / poser un cadre / jouer avec le langage. 

—   Une autre grille de lecture qui se recoupe partiellement avec les précédentes pourrait s'organiser autour de l'envie de :

                     - s’adresser à l’esprit du lecteur  : par l’étonnement, le paradoxe, l’expression originale, la situation…
                     -  s’adresser à ses  sens : par le pouvoir évocateur des mots, par leur musicalité, le rythme du style...
                     - s’adresser à sa curiosité, à son goût pour l’identification au personnage, au goût pour les histoires.

 

  1. La plongée brutale

La première phrase plonge directement dans une scène : il s’agit de prendre le lecteur par surprise, on pourrait dire « en traitre ». D’éliminer les prémisses ! L’auteur saisit le lecteur par le collet, c’est le un début « in medias res » « au milieu des choses », procédé déjà présent chez Homère, sans préambule, sans explication préalable de contexte. 

    •  Entrer directement dans l’action : 

—  Vers dix heures et demie du soir, le soldat X, sentinelle sur le chemin de ronde de l’enceinte du fort vit une ombre noire se glisser au fond des douves et grimper le long du talus.           Buzzati, Le Dernier combat

—   Et c’est ainsi que j’allais chez ce Torriani qui travaillait aux forages du métropolitain milanais…          Buzzati, Le secret

—    Les deux jeunes filles ont décidé de se rencontrer là, à l’endroit où la rue de la liberté s’élargit pour former une petite place.                           Le Clézio, La Ronde

—   Ma mère est debout, découragée, devant la fenêtre. Elle porte sa « robe de maison » en satinette à pois, sa broche d’argent qui représente deux anges penchés sur un portrait d’enfant, ses lunettes au bout d’une chaîne et son lorgnon au bout d’un cordonnet de soie noire, accroché à toutes les clés de porte, rompu à toutes les poignées de tiroir et renoué vingt fois. Elle nous regarde, tour à tour.           Colette, La Maison de Claudine

—  Ils étaient allongés côte à côte, nus sur le drap bleu pâle et ne se touchaient plus.                       Marguerite Duras

    • Utiliser le participe présent pour donner l’impression d’assister eu mouvement :

—  La Teuse, en entrant, posa son balai et son plumeau contre l’autel.                               Zola, La Faute de l’abbé Mouret

    • Par un dialogue, une réplique :

— Il n’y a rien pour le dîner, ce soir… Ce matin, Tricotet n’avait pas encore tué… Il devait tuer à midi. Je vais moi-même à la boucherie, comme je suis. Quel ennui ! Ah ! pourquoi mange-t-on ? Qu’allons-nous manger ce soir ?                                           Colette, Amour

— Ce que je veux vous apporter c’est de l’eau claire. À peine ça. Mon ami le fontainier m’a dit….                 Jean  Giono,L’eau vive

—   LUI : Tu n’as rien vu à Hiroshima. Rien. ELLE : J’ai tout vu. Tout.                          Marguerite Duras, Hiroshima mon amour

—   Veux-tu lire ce qu’il y a d’écrit au-dessus de ta partition ? demanda la dame. Non,  dit l’enfant.                             Marguerite Duras, Moderato cantabile

—   Elle ne se rend pas compte-dit-il, elle ne se verra pas mourir.                                                        Madame Dargent, Bernanos

Notons quel les deux protagonistes de l’histoire sont déjà dans cette première phrase.

    • Par une adresse :

Rendre le lecteur acteur par le « vous », le « nous », le « on » ou par des modes interrogatifs, exclamatifs, impératifs, des démonstratifs et prénoms personnels énigmatiques, donner au lecteur l’idée qu’il fait partie de la famille, du récit…

— « Bienvenue à l’ombre »      ; « Mettons que Firmin… »                       Le Grand Pardon de Marcel Arland

— Commencez par casser tous les miroirs de la maison, laissez pendre vos bras, regardez vaguement le mur, oubliez-vous.    Julio Cortázar, Cronopes

—  Pensez-y bien, lorsqu’on t’offre une montre on t’offre un petit enfer fleuri….                                                Julio Cortázar

— Très tôt le matin empruntez le macadam. Prenez une route tortueuse où les mares d’eau et les nids de poule sont aussi profonds que des pièges pour éléphant.                    François Nkémé, La Tragédie du chef

    • Par un paradoxe, une présentation laconique qui n’explique rien, un exemple étonnant : 

—   Ma fidèle secrétaire est de celles qui prennent leur rôle au pied de la lettre et l’on sait bien que cela signifie passer de l’autre côté, envahir les territoires, plonger les cinq doigts dans le verre de lait pour en retirer un malheureux petit cheveu.                               Julio Cortázar   

—   Je m’appelle Laeticia Lizardi et je déteste le chat de ma mère.                       Carlos Fuentes, La Chatte de ma mère                          

Le chat aura un rôle central dans le destin de cette héroïne.

    • Notons l’importance du premier mot :

Par exemple le « Quand » de Zola dans « la Faute de l’abbé Mouret », une façon de poser le temps comme un socle :

 Quand l’abbé Mouret ne sentit plus la Teuse derrière lui, il s’arrêta, heureux d’être enfin seul.

 

  1. Le bain progressif

L’attaque au cœur de l’action ou l’électrochoc ne sont pas obligatoires, on peut commencer par une introduction classique : description du personnage, du lieu, d’un détail ou de ce qui va être essentiel dans la nouvelle et ainsi créer une atmosphère. Le risque étant que le bain progressif soit un peu émollient ou trop banal . Par exemple, commencer ainsi une histoire qui se passe dans un village peut sembler "naturel"    : « Le village s’étendait sur une vaste superficie de chaque côté de la route », est-ce la meilleur solution ?

Commencer par une description ou l’indication du lieu, du temps qu’il fait, mérite, et l'on peut même dire exige, de trouver une formulation originale, à moins que la banalité du début ne soit qu’un piège pour faire entrer sans crier gare dans une histoire extraordinaire. Toutes les stratégies sont permises, mais il vaut mieux en avoir une !

    • Une description qui « accroche » :

—   Cette détestable peinture représente une veillée funèbre sur les bords du Jourdain.               Julio Cortázar, Cronopes

—   Dehors, quelqu’un enfonçait des clous dans du bois dur, épais, un homme qui devait bricoler après son travail, vers six heures en juin. Les cerises étaient mûres dans les arbres, les roses entre deux floraisons, un orage avait ravivé la lumière et redonné de l’air à l’aube. On entendait aussi des enfants jouer contre les haies des jardins, devant les portes métalliques des garages où un ballon rebondissait quelquefois, tapage qui déclenchait des jurons, des menaces, criés par les fenêtres ouvertes derrière les stores abaissés là où donnait le soleil encore haut et chaud à cette heure.                Hélène Lenoir, Le Magot de Momm

—   Sur un champ de bataille, un de ceux dont personne ne se souvient, là-bas, à la page 47 de l’Atlas où il y a une grande tache jaunâtre avec quelques noms contenant beaucoup de « h, » éparpillé ça et là, on a trouvé l’autre jour, lors d’un sondage effectué en vue d’une éventuelle prospection géologique, on a trouvé un général.                      Général inconnu, Buzzati

    • Une ouverture, une annonce par un détail  ou des détails qui créent une ambiance particulière :

—  Les voiles sans mouvements pendaient collées contre les mâts ; la mer était unie comme une glace ; la chaleur étouffante, le calme désespérant.                   La partie de Tric trac de Prosper, Mérimée

3. Intriguer, choquer ?

    • Être obscur

Semer un mystère qui sera éclairé ensuite, un commencement énigmatique, un hybride entre « seuil » et « boite noire ». Il s’agit de trouver quelque chose qui étonne : paradoxe, détail insolite, contradiction apparente avec le titre ou le contexte. 

Commencer au milieu de nulle part, attisant la curiosité du lecteur qui va avoir envie de continuer pour reconstituer les événements antérieurs qui lui manquent comme ici dans une atmosphère spectrale, presque fantastique.

—  Encore une figure blonde qui pâlit, se détache et tombe glacée à l’horizon de ces bois baignés de vapeurs grises.                             Gérard de Nerval, Promenades et souvenirs.

— L’extraordinaire arriva lors de ma troisième séance chez Gustav Von Seyfertitz, mon psychanalyste venu d’ailleurs.                   Ray Bradbury, Meurtres en douceur

— J’aurais dû prévoir l’étrange explosion.                    Julio Cortázar, Cronopes

—  En un certain village d’Écosse, on vend des livres avec une page blanche glissée au milieu des autres. Si un lecteur débouche sur cette page quand sonnent trois heures, il meurt.       Julio Cortázar

 Quelle merveilleuse occupation que de couper une patte à une araignée….                            Julio Cortázar

—  « Ça pue le bon Dieu, ici ! »                        Bloy, La Femme pauvre

 

    • Une  généralité qui englobe le lecteur :

— Qui peut échapper à ce que dit le mot désir ? Ni le vêtement, ni le silence, ni la nuit, ni les fards, ni même les pensées volontaires ne dissimulent tout à fait la honte des fantasmes qui nous affolent. La femme ou l’homme qui implorerait pitié pour son désir implorerait en vain.          Augustina Izquierdo, L’Amour pur

    • La généralité avec le « c’ » le « ça », une généralité intrigante : 

— C’était une de ces jolies et charmantes filles, nées, comme par une erreur du destin, dans une famille d’employés.                  Maupassant, La Parure

— Ça ne pouvait pas durer toujours. Lullaby le savait bien.                                  Le Clézio, Lullaby

 —  C’était comme si personne n’avait entendu.                                Robbe Grillet, Le Voyeur

    • La généralité étonnante, paradoxale :

 On ne meurt pas souvent.                                    Michel Castanier

 Les fourmis mangeront Rome, c’est écrit.                            Julio Cortázar

    • Le récit emboité : quelqu’un raconte ou lit une lettre, un article de presse, répète ce qu’il a entendu…

— Je ne sais pas si je vous enverrai cette lettre, je vous en ai déjà écrit trois, mais, ou je me suis…                                              Shuzaku Endô, Le dernier souper

 

    • Autres pistes. 

 -     Par l’introduction directe du personnage central, mais pas à la manière d’un contexte « classique » : lieu, temps… en cherchant une  une forme d'’expression rapide, vive : le contexte est posé de façon condensée.  Entre banalité et proximité, quelque chose se pose ou s’absente dès le début, le personnage est là, mais il échappe, déroute.

—  Dès son plus jeune âge, à peine sortie de la prime enfance, Sonietchka s’était plongée dans la lecture. Son frère aîné Ephrem, I'humoriste de la famille, ne se lassait pas de répéter la même plaisanterie déjà démodée au moment de son invention : « À force de lire sans arrêt, Sonietchka a un derrière en forme de chaise, et un nez en forme de poire ! » Malheureusement, il n’y avait pas là beaucoup d’exagération : son nez avait vraiment la forme avachie d’une poire, et Sonietchka, une grande bringue à la forte carrure, aux jambes osseuses et au maigre derrière aplati, n’avait qu’un seul atout : une volumineuse poitrine de femme poussée trop tôt et pour ainsi dire déplacée sur ce corps maigre. Elle rentrait les épaules, se voutait et portait d’amples tuniques, honteuse de cette opulence incongrue par-devant et de cette navrante platitude par-derrière.                           Ludmila Oulitskaïa, Sonientchka

 —Le jeudi 24 octobre 1963, à quatre heures de l’après-midi, je me trouvais à Rome, dans ma chambre de l’hôtel Minerva ; je devais rentrer chez moi le lendemain par avion et je rangeais des papiers quand le téléphone a sonné.                                               Simone de Beauvoir, Une Mort si douce : un texte qui témoigne d’une expérience : je et moi sont omniprésents, mais sans se livrer.

— Maud ouvrit la fenêtre et la rumeur de la vallée emplit la chambre. Le soleil se couchait.                    La Vie tranquille,  Marguerite Duras

— Jérôme est reparti cassé en deux vers les Bugues. J’ai rejoint Nicolas qui, tout de suite après la bataille, s’était affalé sur le talus du chemin de fer.                          Marguerite Duras

— Il leur avait semblé à tous les trois que c’était une bonne idée d’acheter ce cheval. Même si ça ne devait servir qu’à payer les cigarettes de Joseph.                     Un Barrage contre le Pacifique, Marguerite Duras

— Lol V. Stein est née ici, à S. Thala, et elle y a vécu une grande partie de sa jeunesse.                                Le Ravissement de Lol V. Stein, Marguerite Duras

—  Temps couvert. Les baies sont fermées. Du côté de la salle à manger où il se trouve, on ne peut pas voir le parc. Elle, oui, elle voit, elle regarde. Détruire, dit-elle.                                 Marguerite Duras

— Un jour, j’étais déjà âgée, dans le hall d’un lieu public, un homme est venu vers moi. Il s’est fait connaître et m’a dit : « Je vous connais depuis toujours. »                                    Marguerite Duras,  L’Amant

    • Un personnage étonnant, une phrase à la fois banale et étonnante

—    Voici, accroupi, l’ermite nu qui a dressé contre le soleil le toit de sa chemise tendue entre quatre piquets noueux, le voici accroupi torse nu sur une pierre.                              Botho Strauss

 

    • Jeu avec les temps grammaticaux et la chronologie

Un travail particulier qui fera l’objet d’un article spécifique : une utilisation ambiguë des temps comme dans l’incipit le plus célèbre de la littérature française :

—  Longtemps, je me suis couché de bonne heure.                  Marcel Proust, Du Côté de chez Swann

Un autre incipit célèbre, cette fois-ci un jeu avec la chronologie de l'histoire :

  Bien des années plus tard, face au peloton d’exécution, le colonel Aureliano Buendía devait se rappeler ce lointain après-midi au cours duquel son père l’emmena faire connaissance avec la glace.                 Garcia Marquez, Cent ans de solitude

 

    • Commencer par une allusion à la suite de l’histoire 

 Une possibilité intéressante, choisir un début à la fois prémonitoire et dissimulé, une ambiguïté, une ironie qui seront compréhensibles par la suite : en plaçant le mot essentiel, une clé encore indéchiffrable dès le début dans le titre…

  • Une fausse évidence annonce, par opposition, la fin de l’histoire, tout le monde aurait dû de douter…

— Simon Delambre n’attendit jamais.                Siloé, Paul Gadenne

Début d’autant plus paradoxal que le roman sera le récit de la vie d’attente du personnage enfermé dans un sanatorium ! 

  •  Chez Maupassant 

— Personne de s’étonna du mariage de Maître Simon Lebrument avec Mademoiselle Cordier.                     La Dot

— C’était un modeste ménage d’employés. Le mari, commis de ministère, correct et méticuleux, accomplissait strictement son devoir.                   Le Million

Une allusion à la fin, le mari incapable de faire un enfant à sa femme, sera « aidé » par un ami qui ensuite sera congédié.

Fin de la nouvelle : « et il faut entendre Madame Bonin parler des femmes qui ont failli par amour, de celles qu’un grand élan du cœur a jetées dans l’adultère ».

— D’une lettre jetée sur la table s’échappe une ligne qui court sur la veine d’une planche et descend le long d’un pied.                                       Julio Cortázar, Cronopes

La nouvelle finit par le suicide de la personne qui a reçu la lettre…

  • Une explication de la situation qui sera lourde de conséquences :

—  Avant de mourir, la mère d’Alejandro l’avait prévenu de deux choses.                                Carlos Fuentes,  En bonne compagnie

  • Le détail qui crée la progression, concret/abstrait, détail, vue d’ensemble ou l’inverse, ou encore l'impression de mouvement, d'espace 

—  Pendant plusieurs jours de suite des lambeaux d’armée en déroute avaient traversé la ville.                            Maupassant ,  Boule de suif

  • Une négation pour un texte qui veut renverser la vision classique d’un rite : les funérailles

— On n’y va pas pour….                                    Julio Cortázar, Cronopes

 

  • Du point de vue non plus du sens, mais du rythme

Le rythme peut contribuer à la force, au « charme » des premières phrases - des autres aussi d’ailleurs !

La sensibilité que l’on pourrait qualifier de « rythmique » décuple le plaisir d’écriture comme de la lecture. En voici quelques exemples :

  • Une seule phrase courte : 

— Je détenais une merveilleuse idée.                     L’idée, Buzzati.

 —  L’automne était pourpre.                       

—   Les idées importantes en général, vous viennent dans votre jeunesse.                           Buzzati.

  • La construction d’un espace et d’une atmosphère par une phrase courte et des répétitions. 

 — Elle marche sur le sable. Le sable est gris la plage est blanche et grise. La plage immense.                         La Plage, Annie Saumont

  • Une phrase courte puis une longue

 À peine un chant. Une voix psalmodie sans fin, monotone, un peu sourde perdue dans la masse ténébreuse du château.                            Le Grand Pardon, Marcel Arland

Une énigme mise en valeur par le rythme et le passage à la ligne :

— Le verrait-on venir ? Tout restait sombre sur le plateau, jusqu’aux premières cimes neigeuses des alpes où, une lueur, sous me ciel nocturne, semblait veiller un autre monde.

  • Une phrase longue puis une courte :

 Maud ouvrit la fenêtre et la rumeur de la vallée emplit la chambre. Le soleil se couchait.                                           Marguerite Duras

  • Une phrase à deux moments puis une phrase simple :

— « Tel qui rit vendredi… », mais je ne riais pas. J’ai même pleuré.

    • Contraste, rupture entre les deux premières phrases : longue puis courte

— Une odeur de gazon écrasé traîne sur la pelouse, non fauchée, épaisse, que les jeux, comme une lourde grêle, ont versée en tous sens. Des petits talons furieux ont fouillé les allées, rejeté le gravier sur les plates-bandes ; une corde à sauter pend au bras de la pompe ; les assiettes d’un ménage de poupée, grandes comme des marguerites, étoilent l’herbe ; un long miaulement ennuyé annonce la fin du jour, l’éveil des chats, l’approche du dîner. 

Elles viennent de partir, les compagnes de jeu de la Petite.           Colette, La maison de Claudine

— Le cœur serré, non pas par le voyage nocturne, par la maison en deuil ou par le corps rigide, serré par un visage jaune et creux que j’ai à peine reconnu. Celui d’une sœur !        Le Grand Pardon de Marcel Arland

— Chambres hautes de la maison, les chambres agrandies par un balcon galbé, où la soie rose était encore lisse sur les fauteuils arrondis, aux carreaux desquelles dans les coins des portes-fenêtres le jour ne voulait plus mourir et où les tables restaient une patte en l’air à cause de la déclivité du parquet. Il descendit de ces chambres jusqu’à la terre.              Jean-Loup Trassard, Paroles de laine

 

  • Phrases en écho

— Elle me regarde. Regardez…                                        Le Grand Pardon de Marcel Arland :

— Qui peut être cette promeneuse, qui débouche, là-haut, d’entre les ormes et les vieux charmes ? Une Parisienne en vacances à Clermont ?

 

Les possibilités d'incipit sont évidemment infinies et j'ajouterai régulièrement à cet article des exemples qui me semblent proposer des options intéressantes à cette "joie des débuts".

 

 

Si vous souhaitez être tenu informé des parutions de ce site.