Patio

Patio

Blanc, on pourrait dire blanc. Et puis non, trop moelleux, trop tendre pour être vraiment blanc. Une couleur duvet presque fourrure, une crème qui attraperait le soleil, apprivoiserait l’ombre. Car rien ici ne semble vraiment sombre, les murs montent sans enfermer, seule la lumière est prisonnière ou plutôt, invitée, adoucie par la nécessité de plonger, de descendre, pallier par pallier, jusqu’au sol gris bleu qui l’accueille de ses carreaux en espalier. Le blanc, le vrai, montre sa différence, sa pureté froide, en une large bande en dessous de la balustrade qui rampe sur trois des côtés. La vieille rambarde en fer forgé y hésite: bleu ? gris ? rouillé ? Pas de réponse. La question est vite oubliée sous le jaune des clématites qui dégringolent en rangs serrés.

En face, le mur est haut, un mur-montagne, granuleux. Le crépi fait relief et donne de la matière à cette surface crème qui mène inexorablement à l’échappée d’un bout de ciel qui semble lointain, un bout d’azur qui rappelle soudain qu’on est ici à l’intérieur. Mais presque. Bleu ciel. Ciel du Sud qui fait honneur à sa réputation. Luminosité pure à peine colorée. Transparence infinie, irradiée, irradiante. Bleu ouvert, prégnant, autoritaire. Sonore de soleil et de promesse de chaleur qui monte déjà, lentement, en ce matin timide.

Des trompe-l’œil donnent un regard à ce grand mur aveugle. Clarté sombre du miroir près du sol, qui, telle une fenêtre, laisse filtrer les bribes d’une réplique de jardin, tandis que deux éclats de bleu bien net, plus coupant, plus lumineux encore que le vrai, pulsent en ogive dans les deux lucarnes du haut. Couleur témoin, couleur voyeur, couleurs joueuses qui envoient leur reflet sur le sol comme des soleils inventés. 

De chaque côté, les murs se découpent en multiples fenêtres aux paupières de rideaux écrus, hautes, étroites, écarquillées dans l’éclat franc de leur cadre d’aluminium, des rectangles trop nets qui brillent, avec quelque chose de taupe, une teinte qui se conjugue sans excès au duveté du mur et au miel des persiennes, ces boiseries diffractées en une infinité de lamelles couleur vieux bois, doré irrégulier dont le sourire familier s’ouvre, sans la montrer, sur la maison éteinte. 

Et puis, plus bas, le vert. Les verts d’un oasis débutant, camaïeu étudié de plantes adolescentes qui pointent chacune leur couleur et leurs formes. 

Les larges aplats des arums, langues vertes, énormes et lustrées, envahissent le centre. Au bout de leur tige raide et bulbeuse, leurs fleurs sentinelles, corolles dressées en dégradés de vert, de jaune pale jusqu’au blanc de leur unique pétale, fine comme une voile et presque transparente, donnent le ton de la palette. 

Quelques touches violettes, frêles contrepoints aux massifs verts dentelés des grimpantes et au vert gras des feuilles épaisses de l’oranger, scintillent çà et là. Le mauve rosé du bougainvillier révèle quelque chose de bleu dans le crépi du mur, comme une arrière teinte, un cousinage secret qui leur permet de mieux se rencontrer. Les campanules alignées osent un peu de mauve, contraste douçoureux, avec les verts tendres du feuillage des cœurs-de-Marie. Ces fleurs rose bonbon, couleur de savonnette, forme un peu bête, reposent sur le vert paumé d’une plante grasse dont les feuilles pales s’ouvrent en des sortes de fleurs, naïves elles aussi, blanchies par la lumière qui joue sur leur surface charnue, tendue, prête à éclater sous la pression d’un jus mystérieux. 

Quelques verts panachés, profondeur égayée de blanc, clignotent dans l’air tiède. Ils s’étalent sous l’abri du bleu vert des feuilles de l’olivier, vert unique, solaire et maritime dont la brillance est soulignée par les nombreuses vues de leurs envers plus mats, plus sombres, vues nombreuses sur cette repousse laborieuse, un olivier qui est monté comme un palmier sur un long tronc gris et strié. 

Les fleurs aux tons délicats du jasmin, jaunes et pales, confortent la douceur harmonique. Au fond, un feuillage rougeoie, zèbre rouge, vert et gris en feuilles effilées comme un jet d’eau figé. 

Tout près du mur, les tâches vives et enivrantes des fleurs du citronnier tourbillonnent d’abeilles, seul mouvement dans cet espace clos et immobile sous son couvercle bleu. Et puis, posée, par-ci par-là, autour du gris léger des tables en fer forgé, la ponctuation vive du jaune des coussins, qui, tels des boutons d’or moelleux, semblent lier l’ensemble. Toutes ces couleurs essaimées, ces feuillages, ces fleurs, ne sont-ils pas là simplement pour nous inviter à s’assoir ? 

 

 

 

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