Photographie, écriture et réalité
" Le regard est toujours virtuellement fou : il est à la fois effet de vérité et effet de folie." Roland Barthes
"L'art vole autour de la vérité, mais avec la volonté bien arrêtée de ne pas se brûler." Franz Kafka
Voir sur https://citations.ouest-france.fr/citation-franz-kafka/art-vole-autour-verite-volonte-11939.html
Photo et réalité
Le rôle de l’art est-il de tenter de rendre « quelque chose » de la réalité ? Question bien trop vaste pour une simple page, mais nous pouvons toutefois nous interroger sur le lien entre réalité et photographie.
- La photographie nous met-elle le réel sous les yeux ? Ou tout au contraire, cet accès à un instant trop bref pour avoir été vraiment « vécu » ou même vu par le photographe est-il artificiel ?
Nous retrouvons ici la question du « voir ».
- Je vous propose de faire l’expérience suivante. Regardez un ensemble d’objets, ceux qui sont posés sur votre bureau par exemple. Sans réfléchir, que voyez-vous ? Puis essayer de voir le maximum de choses, notez vos différentes perceptions.
Il semble que, parmi les objets qui sont dans notre champ visuel, nous n’apercevions jamais que ceux qui nous intéressent de façon immédiate, notre cerveau fait un tri. Si nous voulons intégrer à notre vision le plus d’éléments possibles, la vision devient un acte volontaire, il nous faut alors relâcher notre intérêt immédiat pour nous concentrer sur un ensemble de phénomènes qui ne se détachent plus les uns des autres et forment un tout relativement indistinct.
- Que se passe-t-il pour la photo instantanée ?
L’instantané photographique serait une sorte d’expérience intermédiaire ou plutôt un dépassement de l’expérience. Les différents éléments sont là, mis à plat sous nos yeux. Notre conscience perceptive interprète les différents éléments de l’image photographique en leur conférant des intensités, des qualités propres. Nous ne sommes pas dans la perception « normale » qui trie et sépare en référence à un moment précis ni dans celle de l’attention, car la photo inscrit tous les éléments qui se présentent simultanément, même ceux que notre synthèse perceptive gomme. La photographie ne restituerait donc pas l’expérience vécue.
- Est-ce aussi votre conclusion ?
Photo et imaginaire
Si ce n’est pas la « réalité », notion que nous n’avons pas tenté de définir, cela nous mènerait trop loin, nous nous contentons d’une intuition commune de ce qui est « réel », la photographie ne serait-elle pas alors comme une plongée dans l’imaginaire, une possibilité d’entrer dans un extérieur du temps propre à l’empathie ?
- La photo est-elle pour vous un lieu pour l’imaginaire ou, au contraire, comme pour Barthes qui évoque « l’horreur » d’une « photo, que “je contemple sans jamais pouvoir l’approfondir, la transformer.”, cette image paradoxalement dénuée d’imaginaire, parce que sa force d’évocation est en proportion inverse de son degré d’exactitude ? Trop précise pour laisser place à l’imaginaire ?
Conclusion provisoire
Alors que voit-on sur une photo ? Elle montre, non pas ce que l’on peut voir quand on est face à la scène, mais son organisation dans un cadre, une forme de synthèse, comme le fait le texte, mais d’une autre façon. C’est cette différence qui me semble passionnante à explorer.